lundi 20 juin 2011

Lettre ouverte à l’écosystème des startups en France, par Cedric Giorgi



Cher entrepreneur, investisseur, blogueur… cher Français,

La France a besoin de vous ! Oui de vous tous, et non ce n’est pas le début d’un discours politique… Si nous voulons que notre écosystème de startups soit plus actif, plus productif et prolifique en startups à succès, alors c’est l’affaire de tous ! On ne peut pas attendre que cela vienne d’ailleurs, et on peut encore moins être défaitiste. Comme expliqué lors du Techcrunch France Recipes, un écosystème, c’est comme une bonne recette, il faut d’abord les bons ingrédients, et ensuite le bon coup de main. Voici donc selon moi les 10 ingrédients dont nous avons besoin, et où chacun d’entre vous peut avoir un rôle.

1. Plus de wannabe entrepreneurs. C’est clairement l’ingrédient de base, plus il y aura de personnes qui prendront le risque de créer une entreprise, plus grandes seront les chances d’avoir de belles entreprises à succès ensuite. Même s’il y a clairement un mieux en France, ce n’est jamais assez. Il faut faire encore plus pour que devenir entrepreneur à succès fasse autant rêver et génère des vocations comme le font les sportifs ou les chanteurs… (A quand un X-Factor dédié à des entrepreneurs par exemple ?) Et il faut aussi pousser beaucoup plus les entrepreneurs pour aller vers le B2B.


2. Un travail au niveau des écoles et de l’éducation. Non seulement faut-il des écoles spécialisées pour former aux métier de l’Internet, comme l’EEMI ou l’Hetic, mais il faut aussi que le message passe dans les écoles de commerce, et surtout les écoles d’ingénieurs. Nous n’avons clairement pas assez de startups qui sortent des campus d’ingénieurs, profitant ainsi de l’expertise technologique dès le départ. Expliquons à ces ingénieurs que le futur est bien plus beau en startup (en tant que fondateur ou employé) que dans la nième SSII… (Diplomé ingénieur de l’INSA de Toulouse, je sais de quoi je parle pour le coup…)

3. Des entrepreneurs récidivistes, des mentors. Que font la majorité des entrepreneurs américains qui ont réussi ? Ils recommencent ! Et en général avec l’ambition de faire quelque chose d’encore plus grand, d’encore plus ambitieux. Et quand ils ne recommencent pas, c’est pour devenir mentors ou business angels. En France, nous n’avons pas assez ce phénomène d’entrepreneurs en série. Il y a bien évidemment quelques exceptions, mais bien trop rares.

4. Incubateurs et Accélérateurs. Il faut des structures pour accompagner nos entrepreneurs et nos startups, avec de l’émulation, des mentors, de la visibilité etc. Si les incubateurs institutionnels existent depuis de nombreuses années, c’est Le Camping qui est la dernière initiative la plus innovante dans ce secteur, mais nous sommes encore loin d’avoir autant d’accélérateurs et incubateurs que dans la Valley. Il nous manque surtout des entrepreneurs expérimentés qui lancent leur propre structure, à l’image de Y Combinator, Blackbox, Plug and Play Tech Center et autres.

5. Le soutien des grandes sociétés. Alors là, autant le dire de de suite. C’est une catastrophe en France. Nos grandes sociétés n’ont absolument pas la culture de profiter de l’écosystème des startups pour booster leur innovation. Que ce soit du côté des partenariats, où les grandes entreprises ont tendance à vouloir tout récupérer sans rien payer (de nombreuses startups ont failli mourir en rêvant pendant des mois d’un gros deal…), ou des rachats… quasi inexistants. En effet, quelles sociétés rachètent en France ? Orange, Lagardère, Dassault Systèmes, Alcatel Lucent? Oui, peut-être mais ce sont nos rares exceptions, et elles ne le font que trop rarement. A quand nos Danone, L’Oréal, LVMH, PPR, Airbus et autres grands groupes pour innover grâce à nos startups?

6. De l’argent venant de VCs ou de BAs De ce côté là, beaucoup vous diront, et c’est plutôt vrai, qu’il n’y a pas de problème pour trouver de l’argent en France venant de VCs. Ce derniers vous diront même que c’est eux qui ont du mal à trouver des bons projets. Cependant, le problème essentiel du financement en France est au niveau de l’amorçage, et au niveau de projets essentiellement basés sur de la technologie ou un pari sur l’audience. Nos investisseurs préfèrent des projets moins risqués comme le e-commerce etc.

7. Du soutien des medias, des blogueurs. J’ai déjà écrit sur ce sujet là. Nos grand médias ne soutiennent pas assez les startups, ne ne s’y intéressent. En fait, c’est souvent quand les médias étrangers s’intéressent à nos pépites que nos propres médias on tendance à se réveiller. Idem pour nos blogueurs, beaucoup préfèrent les cadeaux ou invitations de grandes marques de la high-tech plutôt que des solicitations plus démunies des startups… Heureusement Techcrunch France est là, mais aussi Frenchweb et quelques autres ! Pour rappel d’ailleurs, Techcrunch France c’est une équipe de bénévoles, dont la motivation numéro 1 est de faire bouger l’écosystème et d’aider les startups en leur donnant plus de visibilité…

8. Pouvoir mélanger tout ça lors d’évènements. Encore une fois inspirons nous de la Silicon Valley. Quelle que soit le jour, la semaine, les évènement sont nombreux, très nombreux. Larges ou segmentés, payants ou gratuits, publics ou privés, le choix est vaste. Pourquoi est ce si important ? Car c’est la meilleure façon que les gens se mélangent, se rencontrent, échangent. Quoi de mieux en tant que jeune startup que de rencontrer le responsable de la plateforme Twitter autour d’un verre ? Car c’est aussi ce qui nous manque sur trop d’évènements en France, ce qui ont “réussi” se cachent et ne sont plus disponibles… Chez Techcrunch France, nous avons voulu aider de ce côté là, et c’est la raison pour laquelle nous avons créé les Techcrunch France Remix et Recipes.

9. Un soutien du Gouvernement. Le gouvernement ne peut bien évidemment pas tout faire ni tout changer, mais c’est à lui de permettre les conditions nécessaires pour une éclosion de startups. JEI, CIR et autres initiatives mais aussi éviter la régulation, les taxes stupides etc. Pas besoin de vous refaire le tableau je pense… Et besoin aussi d’échanger avec des interlocuteurs variés (cf une suggestion de liste par ici) pour savoir dans quelle direction aller, puisque le numérique n’est pas la spécialité de notre gouvernement.

10. Des early adopters… Alors là, le changement sera plus long et ambitieux, mais permettons nous de rêver. Nous n’avons pas en France une culture de l’innovation, et donc nous n’allons pas spontanément tester et embrasser des nouveaux services, des nouveaux produits. En général, nous sommes plutôt réfractaires en changement, ce qui est un terrain de base plutôt difficile pour les startups puisque leur but est justement de créer de la rupture, du changement… Alors motivons nous, motivons les autres, il faut aller au devant de l’innovation !

Travaillons tous ensemble sur ces 10 points, et je vous assure que notre écosystème ne s’en portera que mieux. La course est lancée, non pas avec la Silicon Valley, mais avec les autres hubs importants en Europe : Londres, Berlin, Barcelone, Amsterdam. La France, et Paris en première ligne, doit être une terre d’accueil des startups, grâce à un écosystème riche, alors bougez-vous !

Courtesy of Techcrunch France